Fin août, je prends le risque d’une publication sur facebook :
“Je lis et entends souvent cette question : “la planète va-t-elle devenir invivable ?”. Pour prononcer ou écrire cette phrase, il faut, soit, avoir perdu en même temps temps la vue, l’ouïe, et l’odorat, soit être complètement dans le déni. La planète est déjà invivable, et on sait très bien pourquoi.”
Je dois dire, tout d’abord, que je n’ose plus trop publier sur des réseaux. L’accueil des trucs qui grincent est souvent hermétique, soit à l’humour, soit au sérieux. Du coup, il faut toujours viser entre les deux… Ce qui nous engage à publier des photos sans risque. Des plats de restaurants, des chats, ou pire, selon moi, la figure ravie de notre progéniture.
Une année très chaude, invivable sous bien des aspects, nous a fatigué les nerfs.
Bref, ce matin là, après avoir vu défiler depuis plusieurs semaine le partage des articles de sources en général dignes de confiance, dont le titre évoquait, comme une question, la “probable” invivabilité du monde. J’ai craqué . Et c’était pas malin, visiblement, puisque ça a heurté une amie. J’ai eu la flemme de commenter par la même voie. Le sujet demande du recul, et un peu de temps.
Deux mois plus tard, je réponds à mon propre besoin d’écrire, de dire, et de répondre :
C’est une problématique terriblement occidentale de pester sur mon post. Mais également de se poser les questions que j’y évoque. La planète est invivable, c’est un fait, pour :
- les espèces disparues, ou en voie de
- des êtres humains qu’on ignore une seconde fois -la première étant dans nos gestes quotidiens- sous prétexte que poser le truc, en le postant, c’est juste enfoncer un clou.
- tout l’univers qui va devenir invivable, de bouffer de la peinture de satellites, de voir sa lune recouverte d’objets terrestres, de se prendre des tardigrades là où ils ne seraient jamais allés avec leurs seules petites pattes.
Je suis
Je suis donc ultra-terrestre et invivable. Je suis une toute petite partie éphémère de la nature, ET j’ai ma part dans ces catastrophes. Je respire du plastique, je le mange, et me lave avec, je l’utilise, le transforme, l’abîme. Je roule en voiture, je fume des cigarettes. Lorsque je le fais, je le fais à tous les êtres vivants. Lorsque quelqu’un met des produits dans l’eau, c’est aussi dans la mienne.
Nous avons essayé la pédagogie, la douceur, la prière, la supplication, les mathématiques, les exposés, le modèle à suivre, la proposition, la colère, l’action non violente. Rien n’a abouti. Le post facebook non plus, et, j’en conviens volontiers, il ne sert à rien. Mais c’est tout ce qui reste quand on se sent impuissant : dire.
Je me suis tue, pourtant, depuis, mais est-ce une bonne idée ? Ne serait-il pas plus simple, de ne pas me lire ? Je m’interroge sur ce besoin de me faire taire, mais surtout, sur la facilité avec laquelle on y arrive … jusqu’à aujourd’hui. Car, pour moi, la planète va devenir invivable si on s’auto-censure.
Merci mon bel amour.