En permaculture, on accorde beaucoup d’importance à la zone sauvage. C’est une des garanties de la biodiversité, et donc de la bonne santé du terrain. Herbes sauvages, herbes folles, messicoles, doivent retrouver leur place, même sur un balcon ou une terrasse. C’est l’équilibre de votre système qui va être content.
On y intervient pas, on observe.
L’an dernier, cédant à la pression sociale, j’ai réussi à foirer ma zone sauvage. Hein ? Si, c’est possible. Et c’est comme ça qu’on met en péril tout un équilibre. Celui d’un jardin, et le nôtre.
Ma voisine, âgée, est importante pour moi. C’est l’âme du hameau, notre guide, notre mémoire, et notre ciment. J’ai espéré d’elle en sortant du certificat un passage de connaissance. Mais mon projet la hérisse, soit qu’elle le trouve utopiste, soit qu’elle se trouve mise en défaut par l’état dans lequel sa génération a mis l’univers.
Elle aime que ce qu’elle voit de chez elle soit “propre”. Ma zone sauvage en a fait les frais en été 2019, par un passage de tondeuse pour faire plaisir à Nicole. Juste avant une canicule, et, pire, peut-être, effectué par un mari ravi qu’on lui prête cet immonde tondeuse sur laquelle on pose son cul, et qui vous transforme en monstre à broyer des grenouilles.
Installé sur son engin cacophonique, il n’entendait plus mes glapissements désespérés, mes suppliques de cesser le massacre, et autres grossièretés imprononçables. Il me regardait derrière ses lunettes ensanglantées et souriait comme un abruti.
Bref, il a TOUT tondu, sauf le trèfle jaune qui sonne la mort du sol, d’après Ducerf. Ne restaient en vie, que les potagers, et le petit coin que je me réserve pour rester en paix.
Les conséquences de mes erreurs : des limaces dans les salades, des fourmis installées dans les plates bandes, une facture d’eau ignoble, et moi qui greline en chialant.
Depuis, je suis seule habilitée à utiliser une tondeuse, réglée sur 8 cm de haut. Mais nous y reviendrons : la famille doit se sentir libre de s’impliquer.
Depuis, tant pis pour les petites phrases : “tu sais, les pâquerettes, ça repousse”, “Ha, ben oui, mais toi tu n’entretiens pas”, “tu cultives les orties”.
Oui ! Absolument : je cultive les orties.
Donc, il faut apporter beaucoup de soin à cet espace précieux, à nos zones-tampons, à nos bandes enherbées, à nos corridors et couloirs de biodiversité.
J’explique :
Quelque soit l’espace dont on dispose, il faut, en permaculture, une zone libre, qui ne fait que ce qu’elle veut. Oui, sur le balcon, c’est pareil.
Où installer cette zone sauvage ?
Elle sera d’autant plus efficace, riche, et intéressante à observer, si on l’installe à mi-ombre, selon le principe de l’effet de lisière. À proximité d’une autre zone sauvage située près du terrain, s’il y en a une, pour favoriser les corridors, et être au plus proche de ce qui est déjà bien vivant dans les alentours.
Traditionnellement, on lui donne sa place au fond du jardin. Puisqu’on y travaille pas, c’est un espace moins envahi par nous-même, notre bruit, nos caprices, nos délires. Loin de la zone 1, remplie par les cultures consommées quotidiennement.
Surtout que … comment dire … le job de tout terrain, c’est devenir un roncier, puis une forêt … c’est donc important de ne pas se tirer une balle dans le pied en faisant pousser par mégarde un espace sylvestre au sud de votre maison …
Comment l’installer ?
C’est pas obligé que ce soit moche, au contraire, qu’on parte de rien, ou qu’on travaille son esthétisme en amont :
Imaginez-vous, assis à proximité de cette zone, buvant une tisane du jardin au milieu des syrphes, une libellule nonchalamment posée sur votre genou, les oiseaux allant et venant depuis un odorant buisson. Vous y êtes ? Ben voilà, vous aussi, vous avez besoin de cet espace.
Dans l’idéal, vous devriez lui consacrer un cinquième du jardin, mais faites déjà comme vous pouvez.
Laisser pousser de façon spontanée et librement ce qui aurait dû, doit, et va pousser. Ça y est : vous participez à la bonne santé du jardin et de ses habitants.
De deux choses l’une :
. Soit, vous décidez seulement de ne RIEN préparer, et c’est déjà parfait.
. Soit, vous êtes installé sur un terrain de golf, une terrasse, un balcon, un ancien terrain-vague, un lotissement, et vous allez avoir la chance, dans un premier temps, d’aller chercher avec joie quelques ingrédients :
- Du bois : un vieux tronc, une vieille branche, un tas de vieilles branches, des vieilles brindilles, pourvu que ce soit vieux, pour ramener du vivant, du prédateur, du pionnier, un abri à micro-organismes, insectes, larves … Vous adaptez la cargaison à votre espace à vous. Les crapauds, collemboles, pinces-oreilles, cétoines viendront bientôt s’y réfugier.
- Du minéral : lâchez-vous. Choisissez, cherchez, trouvez ce que vous avez sous la main, ce que vous aimez, ce que vous avez toujours voulu avoir. Certaines plantes ne peuvent pousser au milieu des herbes, elles trouverons enfin un sol qui leur plaît. Les lézards, dont vous avez besoin, viendront y trouver de la vitalité lorsque vos cailloux, pierres, ardoises, billes d’argiles seront au soleil.
- De l’eau : fontaine, saladier, marre, baignoire, vieil évier, peu importe. Qui veut de la vie installe de l’eau. Et si vous craigniez les moustiques, vous pouvez vider, changer, filtrer, pomper, poissonner, et encore mieux, attendre les prédateurs.
- Du végétal : le mieux, c’est encore de s’inspirer d’un jardin forêt, et de ses différentes strates. De l’arbre, du buisson, des baies et plantes à graines pour les oiseaux, des herbes hautes, des vivaces, des pérennes, des annuelles, des mellifères, des tapissantes, des médicinales, des couvre-sols, des rustiques, des pionnières, des aquatiques. Cosmos, tournesol, blé, sarrasin, mauves, trémières, verveine de Buenos Aires, sauges bruyères, potentille, violettes, trèfle blanc, … en plus d’être utiles, sont bonnes pour votre moral. On hésite pas à favoriser chardons, orties, ronces et autres messicoles.
- Ombres et lumières : il en faut pour tout le monde. Quand vous plantez la partie végétale, organisez-bien les choses selon la course du soleil, et votre taux d’ensoleillement.
- De la cachette : on a déjà les tas de bois les tas de brindilles et les cailloux. On peut très bien, dans un grand jardin ajouter des abris à hérisson constitués de cagettes et feuilles mortes. Un tas de paille sera le bienvenu, ne serait-ce que pour garder un peu d’humidité en été. Un pot de terre rempli de paille accueillera les pince-oreilles. Petite précision : c’est déjà un hôtel à insectes, mais si vous voulez en fabriquer un : ne le vernissez pas, ne l’entretenez pas à l’huile de lin, ou, pire, au xylophène. Ce serait contre-productif (et ça s’est déjà vu !).
Pour se donner du courage et de l’inspiration, on peut s’inspirer du travail d’Eric Lenoir . On se documente au passage sur les Gérard Ducerf.
J’y plonge des heures. Il explique le sol, il explique ce que dit la plante, et parle de ses usages. Je ne suis pas du tout familière avec le langage des botanistes. Mais j’y trouve mon bonheur, et petit à petit, je devient moins gourde avec les termes scientifiques. Je le prête quand je sais ne pas en avoir besoin rapidement.
En complément, je croise avec un livre sur les plantes médicinales pour la famille.
Pour m’aider à identifier, j’utilise l’application pl@ntnet, installée sur mon téléphone. Je pars du principe que RIEN n’est sûr, tant qu’un être humain au moins ne m’a lui aussi confirmé l’identité de la plante.
Il y a également pour certaines, des doses à respecter, des contre-indications, des expositions au soleil pas recommandées. Donc, avec la plus grande prudence, j’utilise internet. C’est juste pour me faire une idée, et surtout, aider les botanistes à savoir où pousse quoi.
Avant d’en arriver là, j’ai suivi quelques moocs, comme par exemple, celui de Tela Botanica.
Tu es ma zone sauvage !
Tu es mon encre de seiche !
Passionnant ! Merci Tita
Merci Jeanne 🙂